L’avocat revit
Cheveux bruns, légère comme une dryade
Ses lèvres minces et son regard de biche ensorcellent les clients
C’est Audrey Tautou ou Camille Claudel.
Pourtant elle souffre beaucoup derrière son masque sans défaut.
Elle est neurasthénique depuis l’enfance
Seulement, dans sa famille, il faillait être intellectuel, maniéré, parfait.
Or notre Camille est intelligente, mais terre-à-terre.
Un jour elle se pose sous le pont Terril.
Une pause en hiver
Ses patrons ne comprennent rien.
Ils la critiquent
Elle l’employée parfaite.
Elle hausse les épaules
Elle se souvient
Lorsqu’elle était étudiante elle se cachait le midi sous le pont.
Chacun des jeunes criait le nom de celui ou celle qu’il aimait
Mais aujourd’hui aucun nom ne picote sur le bout de sa langue
Elle constate que les années ne lui sont pas tendres.
Sa beauté cédera éventuellement à la vague du temps
L’érosion fera son travail.
Avant d’être trouée pour de bon elle veut trouver l’homme de sa vie.
Pourquoi les hommes lui font aussi peur?
Pourquoi ont-ils tous tant de défauts insupportables?
Excédée elle lance une pierre dans la rivière Saint-François.
-Merde, bordel de merde, fais chier!
Une étudiante qui s’était réfugiée derrière elle hoquète.
-Pardon?
Camille se retourne
Elle n’en croit pas ses yeux.
La magistrale mire sa soeur, son double, ou presque.
Enfin, c’est peut-être un peu de narcissisme de sa part.
La collégienne possède des traits moins délicats qu’elle.
Son menton volontaire tranche l’air.
La force émane partout de la jeune fille sous des scellés timides.
Les deux exilées se regardent.
La délicatesse de l’âge fréquente la force de la jeunesse.
Ils échangent une salutation polie.
La jeune interroge son ainée :
-Vous aimez personne?
Elle a remarqué que Camille ne criait pas de non?
Un dialogue improbable prend racine.
La pause s’allonge.
Le pont Terril ne regorge pas seulement d’automobiles en pointe.
Il regorge aussi de secrets.