Pour Mireille
Ou que tu sois.
Déchaîne la tempête.
Pèlerinage à Trois-Pistoles
Dans la pluie et la glace naissantes mon spleen flotte comme un jazz dissonant.
Le moine joufflu et goinfre me conseille alors de quitterma tanière.
Le matin se lève, je m’arme de courage, je soupire dans un halètement pénible et angoissé. Le poids de cette fuite se dissipe lentement : à l’aventure!
J’ai rempli mon sac de mes fantasmes et de mes espoirs. J’ai enfilé mes plus belles bottes et j’ai tracé mon chemin sur des portulans de rêves, porté par la bohème au-devant du nomadisme romantique.
C’est à Trois-Pistoles que mon nouveau maitre attend. Il a le verbe aiguisé et l’esprit forgé par 40 ans de rédaction inspirés par les grands mystères.
J’entreprends ce voyage pour me perdre dans les bras des sirènes de l’auto-stop, mais j’ambitionne secrètement mon salut.
J’ai programmé sciemment ma destination, sans pour autant avertir ces compagnes.
Ces reines séduisantes seront mon divertissement, un petit mensonge.
Je justifierai ces petites tromperies, ces campagnes de séduction sans lendemain par mon ambition littéraire.
La grande difficulté d’écrire nos étreintes, nos baisers et nos échanges de caresses, sans paraître
pornographe me fera office d’excuse.
À ceux qui mettront en doute cette motivation, je présenterais des morceaux choisis : »Ces lèvres douces macèrent doucement toute amertume sous une vague de tendresse et je m’oublie »
Ou encore : »alors que ma vertu se cabre et que je renâcle sous le poids de mon indécision, Julie m’empoigne et réduit mes défenses. Comme une
tigresse vivace elle m’écorche et avive ce désir réprimé. Enflamme mon sang Julie que je puisse t’emmener avec moi. »
Si on doute de moi, je m’en moquerai et je croquerai la prochaine pêche que le hasard mettra sur ma route.
Jusqu’au jour où je trouverai mon maitre et Trois-Pistole ou jusqu’à ce qu’une rêveuse m’empoignera et se désaltèrera en buvant ce fil
d’imagination qui humecte mes lèvres.
Je serai affamé de chair comme un clochard famélique, clochard de l’amour laissé orphelin sur une route pavée de chairs.