En général, je me tiens à gauche du spectre politique.
Récemment je me suis tenu au centre de ce spectre, plus précisément, juste derrière lui.
Ma phobie découle du fait que je n’arrive pas à m’habituer aux murmures qui émanent de ce fantôme.
En effet, cet ectoplasme de gouvernance me terrifie.
Ce n’était point par timidité ou par froideur.
Après tout, je me tenais quotidiennement près de cette ghoule depuis le début de ma vie adulte.
Malgré cela, lorsque je me tiens à l’extrême-gauche du spectre et qu’il marmonne intempestivement, je sursaute et je manque tomber dans l’abîme révolutionnaire.
J’adore le changement, mais j’exècre la violence.
La semaine dernière, suite à l’élection de Catherine Dorion, le spectre politique s’est agité d’un coup.
Il chanta à voix déployée pendant toute la nuit.
J’ai aimé ça, c’était un chant émouvant et pur comme le coeur, presque naif.
Mais le lendemain, je me suis quand même retenu de me tenir gauche du spectre politique.
Voyez-vous, ce qui est arrivé, c’est que quand le spectre a entonné sa première note, j’ai encore sursauté.
Cette fois-ci j’ai glissé et je me suis retrouvé dans une situation précaire.
Mon corps a glissé dans l’abîme.
J’ai dû me rattraper à la dernière minute.
Mes jambes tanguaient dans l’air de la révolution.
J’ai regardé en bas.
L’oubliette était remplie du corps de ses victimes.
Je me suis hissé hors du trou par moi-même, comme un héros de film américain.
J’étais confus, moi le gauchiste de salon.
Je m’étais laissé emporter par ce vent de changement.
J’ai eu peur.
Le vrai changement est difficile.
Nous sommes tous attachés à nos privilèges, à notre mode de vie à nos sécurités sociales.
Notre premier réflexe à tous c’est de résister au changement.
Ce fut aussi mon premier geste après cet impair.
Je me suis distancié du spectre.
Je me plaçai au centre, apeuré par les miroirs déformants offerts par mes voisins.
Pourtant, malgré ma tiédeur, je crois que le monde peux gagner de l’idéal d’un spectre politique
qui chante,
qui vibre,
qui s’abreuve d’un rêve.
Et c’est pourquoi parfois je me tiens à gauche du spectre politique
Même si les exclamations de l’ectoplasme me font parfois osciller vers la prudence.