Pour cet ami avec qui je partirais au loin
explorer la terre.
mon complément.
moi trop intelligent
lui pas assez
mais aussi lui trop de coeur
moi pas assez
je t’aime mon ami.
G.
Le gentil géant
Bibo est un géant. Il est très très grand. Ses membres sont larges et gras. Il marche gauchement, se promène partout ,maladroit. Il ne sait pas parler vraiment, mâchouille des mots que personne ne comprend. Pourtant Bibo est très heureux.
Le chant des oiseaux l’enchante, le claquement des sabots sur le sol l’excite. Bibo applaudit constamment, bave de bonheur, se lance dans tout de sortes de directions sans réfléchir.
Certains des éléphants du pré croient que Bibo est un peu idiot. Ils ne l’aiment pas particulièrement. Pourtant il les fait rire, il les amuse, il les captive sans qu’ils sachent se l’admettre.
Bibo est un enfant calin. Il aime beaucoup le contact des écorces et la caresse des feuilles. Il trouve dans la forêt les amis que le pré lui nie.
Bibo est si grand et si gros que ses pas font résonner le sol comme un tambour. Chaque fois, il en sourit, béatement.
Un jour, Bibo se trouve devant une grotte. Un troubadour mal attifé s’y trouve. Pantalons cor du Roy, gants à paillettes et tunique au col plongeant, l’homme est différent.
Il se présente sans détour :
-Je suis Nono Machin-Chouette, amuseur public et non-sage pratiquant.
L’homme porte des bottes hautes, on pressent le collant. Il ne sait pas se taire, médit tout le temps. Pourtant Bibo l’aime beaucoup. C’est que chaque fois qu’il a fini une histoire, il gesticule, applaudit, fait des bruits. Il chante aussi très fort et très mal.
Tiens, l’autre jour il a pendant une demi-journée affecté l’air du lutin, parlé en fausset, tenu son dos courbé, ses mains frottées ensemble comme un malfrat de carnaval.
Il mime des abeilles, des chiens, des chats, il miaule et pépite. Tout chez lui claque et fouette la corde sensible du géant.
Cet homme est assurément fou, mais Bibo ne s’en rend pas compte tant il est heureux d’enfin avoir trouvé la boîte à bonheur dont il rêvait.
-Me suivras-tu dans ma quête Bibo?
Nono a reçu la mission de tuer un dragon. C’est plié, c’est cliché, mais c’est ce qui arrive lorsqu’un barde insulte un Roy. Il doit choisir entre la vie et la quête. Et comme Nono est plutôt égotiste dans la vie, il a peur de mourir. Alors il a choisi le dragon, sachant bien qu’il pourrait se finasser une solution ou un délai.
Bibo hoche et dodeline du chef. Il veut continuer de découvrir les joies du ménestrel, ses hochets qui le font rêver.
Les deux comparses partent explorer la caverne et ses mystères. Il y a là, des stalactites des stalagmites, des chauves-souris, beaucoup d’obscurité.
Bibo a peur, Nono le rassure en claquant des doigts, ce qui le fait sourire et taper du pied.
La bedaine du géant vibre, ses grandes bottes se dandinent. Même au devant de l’inconnu, Bibo reste un grand enfant.
Périodiquement, Nono se penche et trouve une pièce d’or, une gemme ou un collier de perles par terre. Il flaire le trésor, tremblote de convoitise.
Derrière lui, Bibo glousse, frotte ses doigts contre les parois rocheuses, retire un plaisir fou de la sensibilité du bout de ses mains.
Le bonheur est tellement simple parfois.
Puis les amis trouvent le portail de l’antre de la bête. La porte est sertie de gemmes, encastrée au mur.
Nono tremble de peur. Il espérait secrètement que sa quête s’éternise jusqu’au néant. Il ne voulait pas en voir le bout, l’épreuve, le test.
Bibo qui est un peu empathique et empâte, le serre très fort. Les deux comparses sont au bord du gouffre. L’amitié les attend.
Ils pénètrent dans le nid. Ils rampent par terre, prennent mille précautions. Soudainement un petit grognement les fait sursauter.
Au milieu de la pièce se tient une femme qui caresse un bébé dragon.
Nono la connait bien, c’est Ria la cracheuse de feu. Une sorcière qui maîtrise les alchimies les plus secrètes de la magie créatrice.
Ria est une femme ardente de feu qui parle peu, se tient loin des tendresses fausses et des déclarations d’amour.
Ria préfère le silence. Elle s’est frotté à Nono par le passé, mais elle n’aime pas comment il abuse constamment de la parole.
Pourtant chaque fois qu’elle le voit elle ne peut pas s’empêcher de le fixer sans arrêt.
Nono exprime tellement de choses sages au milieu de ses arguties, il connait tellement de choses qu’il collectionne dans sa tête en grappes de mots.
Ria ne peut s’empêcher de vouloir piller ce trésor caché.
-Le trésor du dragon est à moi, comme son fils.
Ria se tient devant eux, ses oreilles pointues d’elfe se sont plissés. Elle est méfiante.
-Si vous me donnez une écaille de dragon, je vous laisserai tranquille.
Nono a simplement besoin de prouver la mort du lézard maléfique. Il ne cherche rien d’autre, bien qu’il se sente envouté sans trop savoir pourquoi.
-Je possède cela.
Elle intime au géant de s’approcher, lui tend une écaille. Il la prend dans sa main immense. Une magie sauvage éclate au contact des deux êtres féerique.
Soudainement Nono sait.
Nono sait qu’un soir il a consolé Ria sur le toit d’une auberge. Il lui a chanté très fort des ballades, des chansons drôles. L’elfe a pris peur, elle est la dernière survivante de sa tribu. Sa tribu a été décimée parce qu’un humain amoureux a trahi la confiance de son chef.
Elle craint Nono, il a choisi des chansons bien trop belles, il est probablement un traître, lui aussi.
Mais Nono ne pensait simplement pas aux conséquences. Il se croyait devant une aristocrate vaniteuse. Il voulait simplement la flatter comme une reine.
Cette elfe était différente, il l’avait senti. Mais Nono ne connaissait rien d’autre que ces chansons. Toute ou pentoute, tel était Nono.
Il avait beaucoup à apprendre de la vraie vie.
Ria, chamboulée, prit alors une décision.
Elle effaça le souvenir de Nono.
Et celui-ci redevint le barde insouciant et naïf qu’il avait toujours été.
Jusqu’à cette réunion inattendue.
Ria ne savait plus comment réagir.
Alors elle chante très fort une chanson drôle.
Bibo réalise que la joie que sont ami Nono lui fait vivre.
Est née sur le toit d’une auberge, ce soir là.
Nono s’était perdu dans les boudoirs des aristocrates.
Il avait oublié l’essentiel.
Mais Ria, lui avait rappelé en partie.
Et l’oubli avait fait le reste.
-Maghger ensemble.
Bibo propose.
-J’accepte, mais tenez vos distances!
Ria dispose.
C’est ainsi. Nono regrette que ses nouveaux compagnons ne partagent pas son désir de piller le trésor, mais pour la première fois depuis longtemps, il se sent en paix.
Il a trouvé au milieu du tumulte.
Des amis.