Texte écrit au centre d’appel vers 2015.
Pour la schtroumpfette aux cheveux noirs.
En souhaitant que le grand schtroumpf
t’ai bien trouvé et transformée
en schtroumpfette aux cheveux blonds.
(mais est-ce que ça marche vraiment comme
ça la vie?)
G.
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La vengeance de Gaudereau Loris
Ils l’ont tuée. C’est aussi simple que ça. Ils peuvent s’en cacher, ils peuvent invoquer leur foi tant qu’ils le veulent, se laver les mains avec de pieux mensonges ou juste m’ignorer. Ça n’y change absolument rien. Où était leur piété quand ils l’ont exposée à une thérapie génétique potentiellement létale? Où était leur compassion quand j’étais seul des jours durant à son chevet et que son âme m’échappait de seconde en seconde? Où était leur technologie quand sa tolérance grandissante aux drogues analgésiques et anti-inflammatoires l’ont condamnée à une lente agonie? Quand une femme qu’on aime meurt, on veut croire que son esprit a passé le voile de l’oubli dans la paix et la sérénité. Non seulement ces connards de cultistes ont tué Évard, mais en plus ils lui ont dérobé sa dignité! Son âme a été souillée par toutes ces souffrances, mutilée et réduite à obséder sa fin.
Moi je suis resté à son chevet, j’ai prié en silence pour que la mort vienne. De jour en jour sa personnalité s’estompait, ne laissant qu’un esprit hurleur, un esprit hanté et effrayé. Le jour est arrivé ou elle m’a demandé l’impossible. J’aurais voulu refuser ou être un médecin qui avait accès à des drogues de synthèse. Mais pour mon grand malheur, je ne suis qu’un ex-mercenaire. Alors je me suis occupé d’elle de la seule façon que je pouvais. J’ai vendu ma maison. J’ai payé toutes mes dettes, puis je me suis fait remettre le reste du fric en liquide. J’ai appelé Isabeau Larionov, elle m’a vendu l’arsenal dont j’avais besoin à un prix honnête. Ensuite j’ai appelé Évard pour m’assurer qu’elle était certaine qu’elle désirait cette fin.
-Libère moi Gaudreau…j’ai besoin que tu fasses ce qui est juste, tu es le seul capable de m’aider. Tu es la seule voix honnête dans ce monde injuste.
Je suis allé marcher le long du fleuve. J’ai sangloté ma vie comme un bébé. J’ai blasphémé comme un déchaîné. J’ai fumé ma détermination. Puis je suis rentré chez moi. Je me suis fait un riz sauté japonais. J’avais l’âme kamikaze, le goût brûlant de rétablir la justice, de faire de ce repas le premier rituel de ma nouvelle vocation. Je me promettais que le sacrifice immonde qui m’incombait ne serait que le premier acte. La justice viendrait ensuite.
Le lendemain, vers trois heures du matin, j’ai monté le fusil d’assaut que je m’étais acheté, je l’ai déposé dans un sac d’entraînement et je suis allé à l’hôpital. Je suis entré dans la chambre d’hôpital d’Évard, j’ai embrassé son front deux fois. La première fois du bout des lèvres, en tremblant tant j’étais terrorisé par mon devoir. La seconde avec une balle qui a traversé son crâne. Son jus céphalique s’est répandu d’un coup sur les draps blancs de son lit. C’était fini.
Plus jamais je n’entendrai sa voix.
Plus jamais elle ne me ferait rire
Plus jamais elle ne me dira de mots encourageants.
Plus jamais elle ne me demanderait conseil.
Elle s’était consacrée à donner son temps, ses mots et sa présence aux déshérités de Verdun et pour toute récompense on avait gangrené son ADN. Et pour quelle raison? Pour tester une foutue méthode de clonage! Ce viol de son intégrité physique et morale ne pouvait rester impuni. Les laquais de Tyrannel allaient payer le prix fort.
J’ai descendu l’escalier de l’hôpital tellement rapidement que je ne me souviens plus si j’ai recouvert la tête d’Évard avant de quitter sa chambre. J’ai sauté dans ma voiture et j’ai quitté la ville en direction du complexe des cultistes de Tyrannel. Un fois arrivé, j’ai stationné ma mazda directement devant les grilles du domaine. J’ai sorti mon fusil d’assaut et j’ai bousillé les caméras de surveillance de l’entrée en tirant deux coups dans le mille. J’ai utilisé le croche-serrure magnétique de ma panoplie pour ouvrir la grille et j’ai sorti mon couteau de chasse de ma valise. Quand les alarmes ont retenti et que quatre cultistes se sont rués sur moi, j’ai évité leurs attaques et j’ai planté mon couteau dans leurs genoux. Ils ont trébuché sans grâce et je les ai laissés à leur sort. Ensuite je suis monté à l’étage du manoir pour régler le cas de celui qui m’avait forcé à reprendre du service. Ce chien de cultiste avait gâché ma vie et son heure était venue.
J’ai ouvert la porte de son bureau. Il m’a regardé. Il avait l’air arrogant. Ce prophète Géel était vraiment un bâtard de merde ! Il a invoqué la paix de Tyrannel, il m’a expliqué son projet. Il a appuyé sur un bouton. Les bibliothèques de son bureau ont basculé, révélant les corps des clones d’Évard et des autres sujets de ses expériences diaboliques. Il m’a offert les possibilités de vivre le restant de ma vie avec le clone de mon choix. J’ai mis un genou à terre, j’ai demandé sa bénédiction.
Quand il s’est penché sur moi, je l’ai saisi par la gorge, j’ai dégoupillé une grenade que je lui ai fourrée dans la bouche et je l’ai balancée par la fenêtre de son bureau. Ensuite je l’ai regardé exploser. Ça ne m’a pas fait sentir mieux. Alors j’ai sorti mon plastique explosif. J’ai miné les clones et je suis sorti du manoir. À l’aide de mon détonateur à distance j’ai tout fait sauter.
Encore là, rien ne me vint, rien que du vide, rien que le sourire d’Évard. Ce sourire radieux qui me rappelait que j’étais seul au monde et maintenant recherché pour meurtre. Les jours sombres étaient de retour. Ce nouvel épisode commençait sur ma culpabilité à l’idée d’avoir fait couler ses pensées hors du monde. Merde, je l’avais dans la peau cette femme!
J’aurais tant voulu partir avant elle. J’avais voulu l’aider. Je l’avais tuée. Ma vie était vraiment chiante. Il fallait me mettre en mouvement, oublier, fuir tout ça.
J’ai sauté dans ma Mazda et je me suis mis en route vers l’aéroport.
Sur le chemin, mon téléphone cellulaire a sonné. J’ai pris l’appel. La voix d’Isabeau Larionov se fit entendre. Elle me proposa un pardon pour mes crimes récents. Tout ce que j’avais à faire c’est accepter un job au service de la junte militaire de Thaïlande. Mon boulot serait de tuer quiconque les emmerdait. Un job bien, avec un cachet de 2000 balles par jour toutes dépenses payées. J’ai grogné mon assentiment et j’ai appuyé sur le champignon. Ma voiture atteignit les 200 à l’heure. Je me sentis soudainement euphorique. Et si la vitesse venait me chercher avant que ma vie redevienne un cauchemar?