Pour David Goudreault qui a inspiré cette idée.
En attendant David Goudreault j’aimerais partager quelque mots, une
vision. J’aurais aimé que ma vision soit truffée de mots
mathématiques, de truculence hybride reliant le monde du langage à
celui des nombres.
Mais malheureusement mon fournisseur de concepts mathématiques m’a
abandonné, il fait l’école buissonnière et je me retrouve sans
lexique, sans ressources devant vous avec un discours à produire.
J’aurais aussi pu faire de la recherche par moi-même, fouiller des
sites, dénicher des perles, mais je déteste faire de la recherche
directement reliée à mes compositions la plupart du temps et il neige
dehors, alors pour ma première tentative je vais me lancer seul sur le
fil d’ariane.
Dans son roman Fondation, Isaac Asimov présente une science qui
combine les mathématiques, les sciences politiques et la sociologie.
Cette science, la psychohistoire pourrait censément prévoir les grands
mouvement de société puisqu’elle modélise, en équations et en concepts
mathématiques, la psychologie humaine et les phénomènes de masse.
C’est là que j’ai trouvé la pierre d’assise de mon récit.
Ma première pensée enthousiaste me libère. Quelle idée merveilleuse
que de pouvoir rendre une fonction qui pourrait dévoiler les
fonctionnement de mon esprit.
Alors je m’immerge en moi-même pour faire le voyage qui me permettrait
de me connaître assez pour me modéliser. Je ferme les yeux….
Et je me retrouve à voyager sur la courbe de mon humeur. Lorsque
j’amorce ma marche je regarde vers l’horizon. Je réalise que la
courbe oscille de bas en haut selon une fonction sinusoïdale. C’est
comme une onde radio qui n’en finit plus.
Au dessus de moi, le ciel, ce segment de bonne humeur absolue, là ou
je trouverai la grâce de l’infini. Comme vous l’avez deviné, c’est
une droite qui se déploie comme une série de constantes sur laquelle
je pourrai toujours compter.
En dessous de moi, l’enfer, le zéro ou je me morfonds jusqu’à me tuer.
Pourtant il s’étend aussi devant moi comme un segment bien visible. Je
n’avais jamais conçu le zéro comme une série de constantes négatives,
mais c’est une contradiction que je ne saurai expliquer davantage.
Soudainement tout s’additionne, le coefficient de mon humeur est
positif. J’amorce ma marche vers le haut. Mon humeur est une échelle
qui se multiplie sans cesse. Ses produits sont des hypoténuses de plus
en plus grands. J’enfourche le pied dans l’extrémité inférieure du
premier triangle rectangle de l’échelle. C’est périeux, mais j’y
parviens. À chaque nouveau triangle que j’enfourche, les coefficients
sont plus grand, en ordre croissant , je sens monter la puissance de
mes exposants. Le logarithme qui me porte au devant de moi-même est
comme la série de cosinus reliant les barreaux de l’échelle. C’est
comme le rythme de mon coeur, mais avec plus de variables.
J’aperçois enfin le segment de bonne humeur, au-dessus de ma tête.
J’étire le bras, en espérant le saisir. Je voudrais changer la courbe
de mon humeur pour qu’elle devienne une droite parallèle au bonheur
absolu. Je voudrais que ma vie soit une suite de constantes positives.
Mais mon humeur s’y refuse. Lorsque j’essaie d’en changer la courbe,
elle devient asymptote. Soudainement les barreaux deviennent de plus
en plus petits, je me rapproche du bonheur, mais dans une course
infinie de divisions de l’espace qui m’en séparent. Les coefficients
deviennent de plus en plus petits. Puis je m’épuise lorsque mes
exposants deviennent zéro.
Vidée de mon énergie, je veux me reposer, mais la courbe de mon humeur
a repris sa fonction sinusoïdale et voici le moment de descendre. Tout
se divise et tout est soustraction. Les triangles que je descends
forment des hypoténuses de plus en plus petits, puis ils se brisent et
deviennent des triangles scalènes.
La recherche de l’infinité droite du bonheur m’a brisée. Je
redescends la courbe. Le trinôme de mon humeur m’a trahi, encore une
fois.
Maudissant l’inconstance de l’équation quadratique de mon humeur, je
périclite. Les barreaux de l’échelle sont de plus en plus petits.
J’aperçois le zéro qui est de plus en plus près.
Chaque fois que cette descente commence, je me désolidarise du fait
que mon humeur soit un enchaînement sans fin de paraboles, j’aimerais
tant redresser la courbe de ma vie que je m’obstiner.
Mais, porté par le poids des différences, je suis incapable de
m’arrêter. Quand je descends la courbe de mon humeur, ma volonté
devient fraction d’elle même. Elle m’aspire, c’est un quotient de plus
en plus infinitésimal.
Lorsque la proximité du zéro devient lancinante, je suis fasciné par
les nombres abstraits qu’il génère. Ces nombres sont des possibles au
delà de ce zéro. Alors je cherche à les rejoindre dans l’inexistence
de la pensée. J’essaie de sauter dans le zéro de la dépression et de
la mort.
Mais quelque intervention divine transforme chaque fois que je veux
sauter, la fonction de mon humeur en asymptote. Mon saut j’ai beau
m’abandonner au désespoir, je ne trouve jamais le silence, jamais le
zéro. L’énergie que je dépense à diviser sans fin l’espace qui me
sépare du désespoir total me pousse à lutter de plus en plus fort et
porté par cette lutte de forces contraires, la fonction de mon humeur
reprend sa courbe sinusoïdale et je recommence l’ascension.
Ce que je réalise, au bout de cette course, c’est que je ne serai
jamais une droite infinie de constante ou totalement réduit à zéro.
Il existe une vitalité derrière chaque humeur qui dépasse le cadre de nos vies.
Quelquepart un créateur a joué au dé ou à l’ingénieur et imprimé des
nombres, des coéficients et des équations dans le réel.
Il désire que je poursuive ma course.
Et c’est pourquoi je célèbre dans le mystère de mes humeurs et des
nombres, sans jamais toucher le zéro ou l’infini la vitalité
extraordinaire de la création.