Il y avait un arbre et une pierre. Les rigoles déglutissaient un pépiement ininterrompu. L’humanité avait prospéré. Leurs oeuvres s’étaient assises partout. Les assises de ces constructions étaient sans pareilles : aussi profondes et immuables que les montagnes. C’était peut-être une folie de le penser. Mais face à des grattes-ciels trois fois centenaires, c’était presque normal.
À une certaine, époque, la sagesse populaire s’était entichée de cette théorie : tout était de plus en plus l’esclave d’une obsolescence programmée. Les grattes-ciels s’étaient reproduis au même rythme que cette insolente obsolescence.
Pourtant, trois cents ans plus tard, les tours de Montréal tenaient encore debout. C’était vrai, même si celles-ci étaient devenues de véritables vivariums, des écosystèmes végétaux et animaux très étranges.
Tout avait commencé avec les lianes, les plantes grimpantes et les rats. Le réchauffement de la planète n’avait pas mené à l’engloutissement de la civilisation. Les pôles avaient fondu, puis à un certains moment, les mers avaient cesser de monter. Pourquoi? Nul ne savait. Mais tous avaient subi une dictature nouvelle du soleil qui plombait sans relâchement les habitants du globe.
Ce réchauffement s’était accompagné par une détérioration rapide et étrange de bien des circuits électriques et magnétiques. Les lignes éléctriques, soient sautèrent ou cessèrent de fonctionner. Les téléphones cellulaires et le wifi cessèrent de fonctionner.
Puis, éventuellement, les voitures et les moteurs aussi.
L’obsolescence était venue.
Puis la jungle se mis à pulluler partout.
On ne sait pas exactement pourquoi c’était le cas. Il n’existait pas de livres d’histoire sur cette période. Mes parents m’on dit que c’était parce que les gens avaient cesser d’écrire à cause de leurs machines
Mais je ne pouvais le croire. Les grattes-ciels étaient juste trop beaux. Nos ancêtres étaient peut-être orgueilleux, mais je doutais de leur empressement à se divorcer de l’écriture.
J’étais persuadé que l’écrit était l’acquis le plus fondamental de l’humanité. Trop de nos vies étaient consumées par le travail et le présent. L’écriture était pour moi comme une gallérie de miroirs. J’avais besoin de ses reflets infinis et sans défauts.
Je me retrouvais, sur la page, chaque fois plus grand que de la vie. Les phrases venaient sans réel effort. C’était fonctionnel et parfois même élégant.
Est-ce que j’écrivais l’histoire de mon peuple? Non, pas la plupart du temps. De toute façon, il n’y avait pas grand chose d’édifiant à écrire. Chacun de nous vivait son joug et son esclavage. Père et enfant en même temps.
Il fallait travailler très fort pour une très maigre subsistance. Je faisais de mon mieux, mais un jour ou l’autre, je finissais toujours par avoir besoin de repos.
Ce jour là, je pouvais m’enfermer dans un sous-sol de gratte-ciel ou dans un tunnel de Métro. J’amenais chaque fois une torche, beaucoup trop d’huile et une lampe et je m’enfermais dans un bureau ou c’était écrit : « contrôleur »
Et le temps d’un paragraphe je me donnais la permission de réécrire le monde et de m’adoucir.
Jaime