Taxonomie d’un mal de ventre
L’homme se tordit de douleur. Son ventre gonfla, puis gargouilla sans interruption jusqu’au crépuscule. Il appréhendait, entre deux clignements d’œil, que son intestin se détache de son corps et s’écrase au sol. Il supportait mal les bouillonnements de son bas-ventre.
Son cousin Rhian, un alchimiste amateur, l’avait prévenu, il paierait un jour ou l’autre pour ses excès. L’œsophage et l’estomac sont des réservoirs replets et rétifs qui sonnent la charge lorsqu’on les abuse. Il en accusait l’assaut.
Un spasme pénétrant l’accula au pied d’un muret de marbre, transi et drainé. Son visage pâle s’affaissa, repu de douleur. Il roucoula quelque peu lorsque la nuit ringarde le railla : une bise fraiche lui caressa la joue.
Rejeté par les lardons, il avait largué sont appétit à la table d’un forgeron laideron. Sa rancœur, rance et son hoquet révulsant s’y investissaient régulièrement, raclant large pour trouver quelque ripaille.
L’ennui confinait son cerveau rébarbatif au vide. Cependant, le gaillard refusait cette retraite. L’inaction que nenni. Il préférait nettement régurgiter ou rengorger des masses de pâtes alimentaires. Rivé à la table, il regimbait et se réclamait rudement de Souma, l’auteur goinfre et blafard qui, selon les légendes, était mort à souper. Décéder selon l’exemple de ce champion littéraire, abattu au milieu d’un festin par l’assaut capiteux et sans douleur d’un rôti eut été préférable, voire souhaitable. Notre gouailleur au teint cireux n’eut point cette chance : nulle incidence improbable ne le tira de sa misère.
Il payait son festin sans omettre un centime de douleur.
Cette foulure stomacale le rongeait sans relâche, se révélant par cette persistance une affliction sans pitié et sournoise. Il rampa avec peine, rejoignit l’atrium de sa modeste demeure.
Il grimpa sur la marche la plus basse de son escalier en colimaçon, une main à la fois. Il s’effondra et perdit contenance.