L’Aubade de Richard
Conte en joual
J’étais retourné à Beaulac enterrer ma mère. Ma mère pis sa famille y viennent de là. Un belle place sur le bord d’un lac. Ça paraît beau, mais derrière chaque rang y a des secrets pis des légendes. Ma mère était une âme triste, qui travaillait fort, mais parlait peu pis portrait un front de beu qu’elle utilisait pas souvent. On y avait dit que tout ce qu’à disait était vraiment trop blessant. Faque avait décidé de se taire, pis de vivre dans le travail, tout le temps, tout le temps, tout le temps. Mon père ya suivait ben, la ferme familiale était à son nom à elle. Pis c’était elle qui conduisait le tracteur, pis c’tait elle qui trayait les vache. En fait c’est les machines. Elle a pesait su le piton. Pis a faisait toute. Jusqu’à s’épuiser un moment donner pis toute vendre. Pis se trouver une maison au bout du lac. Une péninsule impossible.
J’y retournais une fois par année, mais c’était jamais ben ben grisant. A parlait pas ben ben, moi non plus, pis on s’enlisaient. Y avait comme une vase entre nous autre. C’était comme une famille d’allemands déguisés en gris, y avait pas d’amour. Mon père y’est mort dix ans avant. J’tais le dernier enfant qui y allait. Mes frères, mes soeur était toute tannés. Y faisaient un party une fois par année. Y louaient le centre communautaire. Ma mère était là, y se passait rien. J’tais triste, pourquoi c’était comme ça, pourquoi ça pouvait pas être mieux. Y’Était ou la joie pis y’était ou le bonheur d’être une famille pis de se serrer.
Je savais pas, je savais pas, pis je me demandais si c’était parce que j’avais fait queuquechose de mal. Pis toute ma vie j’ai porté ce poids là pis fallait que je me prouve tout partout. À 15 ans, vendre le char à papa pour 500$ de plus que ce qui valait au livre. Après ça trouver chez Steve une job. Commencer à vendre des chars à tout le monde dans le village.
Déménager par la suite, à Sherbrooke, Val Estrie Ford. Devenir l’ami de toutes les matantes, de toute les mononc pis de toutes les personnes qui venaient. Prendre des café avec eux autres. Je devrais pas vous le dire, mais si y avait une blonde aux yeux bleus qui rentrait ben je lui faisait mon numéro. Y en a une ou deux qui m’ont embrassé. Trouver une femme grande pis sèche qui dresserait mes enfants de la bonne façon parce que je savais que je serais jamais là. Quand on dépense son coeur à vouloir acheter l’amour, y a pas de place pour la famille
Devenir copropriétaire de Val Estrie Ford Pis un jour juste recevoir une espèce de lettre qui disait, je vous le dirais ben, mais c’est épais. Pis après me faire appeler pour me faire dire qu’il fallait que je m’occupe des affaires pour maman. Faqe chu retourné à Beaulac me disant que j’étais à mi-chemin entre Sherbrooke pis Mégantic, pis je pouvait pas aller dans mon chalet où j’allais trouver la tranquillité. J’avais besoin de pleurer ma vie, de silence aussi.
J’ai fait ce qui avait à faire, mes frères et sœurs sont venus. On a fait les invitations. Ma mère était ben connue. Des agriculteurs, il n’ y en avait pas des tonnes. Quand même tout le monde était là. Je voudrais ben vous parler de toute ce monde là, mais c’est pas eux autres qui m’ont rentré dedans. Y avait un gars : grand frais, une chemise immaculée. Y avait comme des joues d’enfant, un regard narquois pis les épaules les plus larges que j’avais jamais vu : un héros, Joe Monferrand!
Un grand homme assurément. Pourtant, je le regardais pis je voyais moi.Bon j’étais plus petit, j’avais les yeux peut-être un peu croches, mais c’était le portrait craché de ma mère, pis mon portrait craché C’tait qui ce gars là? Chu allé le voir, je lui ai fait mon numéro, je lui ai donné ma carte en espérant qui vienne acheter un char : c’tun gars de Rock Forest. Y habitait sur la rue Gaspé, en haut de la côte! Chu retourné travailler après les deux jours mandatoires de la loi sur le travail, pis le manège a continué.
Mon gars était rendu à seize ans, on se pognait tout le temps. C’tun hypersensible mon gars, c’est un doux. Ya pas compris qui faut cacher ça en dedans, pousser ça le plus bas possible, être tough pis juste regarder les résultats. Non lui y veut de l’amour, ya pas compris que quand tu mets de l’argent tu te protèges. L’argent ça l’empêche les gens de te blesser. Parce que tu sais que la personne est venue s’acheter un char. Faque si ça marche pas comme tu voudrais t’a toujours le prétexte de dire : c’est pas à propos de moé, c’est ma job!
Mais mon fils y comprenais pas ça lui. Entier comme ça se peut pas. Y lui fallait tout: le beurre pis l’argent du beurre, la business pis la passion dans le même lit! Je vous le dit, y va mal finir. Je le sais qui va mal finir. Ya pas compris comment ça marche. Quessé tu veux y était ben bouché mon gars.
Pis éventuellement, l’alcool un peu. Pis un soir au bar au centre-ville, ça king, ça well je m’en souviens pu. Le gars au bar c’tait s’t’inconnu que j’avais rencontré aux funérailles de maman. Y m’avait pas vue. Pour la première fois depuis longtemps j’osais pas approcher quelqu’un. Est-ce que je devrais? Est-ce que c’est une bonne idée? C’est qui ce gars là, pourquoi yé comme moi.
Éventuellement rendu à la troisième bière j’ai levé la tête pis y était là, pis y s’est assis devant moi.
Y m’a dit :
-Richard, Richard!
J’ai dit :
-Ouais?
Y connaissait mon nom, y me regardait dans les yeux digne pis grand comme un arbre. Pis moi j’étais complètement fondu pis cassé en deux.
Y me dit :
-Richard, je le vois ben que t’as des questions. T’as l’air perdu, tu sais pas c’est quoi ta mission dans vie. Je trouve ça ben triste que tu aies perdu à cause des circonstances ton héritage. J’ai d’autres regrets aussi, je voudrais aujourd’hui t’en faire le partage, si té prête à m’écouter.
J’ai dit :
-Ok?
Y m’a dit :
-Viens à ma table, j’ai une bonne chaise tu vas voir tu vas être ben installé.
J’me suis assis, chu un peu éfouérré.
Y rit :
-Té prête?
-Ouin.
Pis ya commencé.
Écrit à Beaulac et au Parc des Îles de Boucherville les 18 et 31 mars 2021 par Richard L.