Individu
Bob ouvrit la porte de garage, me regarda et dit :
-Richard, crisse que té individu.
-Individu?
-Ben ouais, indivisé, individu.
-Ahhh, chu individu?
-Ben ouais. Tu te laisses pas couper en deux par l’autre, tu te laisses pas traverser, tu te laisses jamais mélanger. Té individu estie. Une monade avec un fenêtre ouverte sur le monde à côté pis un comptoir. Un miroir qui ment jamais. Individu estie, incapable de te fondre complètement. Toujours un moment ou il va falloir que tu te dresses, drette comme un i, un point dessus. Y faut absolument toute dire, individu estie. Incapable du collectif, incapable de se couper de cette espèce de logorrhée qui en finit pu. Faut tout le temps que tu y reviennes Richard.
Moi j’étais comme ben ébahi. Moi qui pensait que mon problème c’était que je m’agenouillais ben trop devant les autres. Lui il me disait qu’en réalité, j’étais en réalité trop rigide, trop moi-même, pas assez susceptible à l’autre? Ça me faisait mal. Je me regardais pis je voyais que dans ben des aspects c’était vrai. C’est ça qui est ironique. Ce qui est vrai c’est souvent ce qu’on pense et son contraire en même temps. Pis c’est là que les nuances se perdent, parce qu’on est juste capable d’exprimer les choses dans tes catégories bien trop larges et bien trop fermées.
Écrit sur la rue Hertel à Sherbrooke le 7 Avril 2021