Avant la lettre, je fus le concordancier bilingue de cette culture multi-facettes d’Amérique.
J’ai fait le chemin aller-retour entre l’anglais et le français et je n’en suis pas revenu abruti.
Au contraire, j’ai découvert les grands et petits enfants de ses deux langues montréalaises : le français et l’anglais.
Pour mon malheur, je suis l’héritier d’une culture de résistance qui voit dans l’anglais son grand ennemi héréditaire, alors qu’en réalité ces langues se font l’amour et accouchent de merveilleuses trouvailles depuis 1500 ans.
Dans un monde où chaque culture devrait avoir sa place, comment condamner l’anglais pour les travers de ses locuteurs impérialistes?
Le langage que j’utilise n’est-t-il pas celui de Napoléon, de Louis XIV et du maréchal Pétain?
Ces hommes ne voulaient-ils pas dominer le monde?
Quelle naïveté de penser ainsi.
Chaque langue possède ses locuteurs inimaginables, ses phrases inimitables, ses sons gouteux dans le larynx.
Ces charmes n’ont rien à voir avec l’impérialisme.
Mais la pureté de la langue, vous me direz?
Le français n’est-il pas l’enfant batard du franc, du germanique ancien, du latin et de je ne sais plus combien de langues défuntes et de patois rustiques?
Lisez le colpron, si une copie de ce dictionnaire existe encore et constatez cette vérité évidente. Les mots meurent, naissent et ressuscitent. Chaque langue est un écosystème en pleine évolution.
Cette évolution est poussée par deux choses. L’usage, c’est à dire le choix des mots fait par les locuteurs.
Un mot peut devenir populaire et s’imposer de lui-même.
L’inventivité d’un initiateur devient un mouvement, puis s’étend à la communauté des adeptes de cette langue.
Le chemin inverse est aussi vrai. Les gens délaissent un mot qui devient un reliquat confiné dans les dictionnaires savants.
On oublie ce mot. Il devient archaïque.
L’autre moteur de l’évolution de la langue, c’est le phénomène d’agglutination syncrétique et inventif qui survient lorsque des gens de cultures diverses se côtoient.
C’est là que j’ai le plus de plaisir avec la langue, c’est-là le trésor.
Par exemple, ‘’Smart’’ n’est pas un mot qui a écrasé la langue française en Amérique, au contraire.
C’est l’exemple parfait de l’inventivité du peuple québecois, qui s’est approprié le mot en le transformant en ‘’smatte’’ qui peut
signifier gentil, un sens qui n’existe pas en anglais.
L’anglophobie nie la réalité essentielle de la relation entre le français et l’anglais. Nous empruntons à nos voisins depuis 1066 et ils empruntent de nous.
Pire, ces emprunts ne sont pas des calques, ce sont plus souvent qu’on voudrait le croire le résultat d’une réappropriation, d’une inventivité.
Alors, cesser de jouer le jeu de ces politicos qui vous disent que l’anglais écrase le françcais.
Ces fanas de l’académie cherchent à nous chiper le pouvoir de créer une langue vivante et à notre mesure.
Je ne suis pas anarchiste de la langue, je comprends le besoin de standardiser les choses.
Mais de grace, laissez-nous jouir de la parole
Let me fly on the wings of Shakspeare’s graceful pronouncement
Ou bedon dire smatt, fuck et shit.
S’il-vous-plait.
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