Mémentos-Cégep
L’informe jeune se sentait chez lui seulement sur la piste de danse. Nulle part ailleurs il ne trouvait de scène ou déchaîner son énergie. Il partait le soir avec son ami Charles qui dormait debout. L’informe ne connaissait pas réellement les débits de boisson de la rue Wellington. Alors ils se retrouvaient dans ce bar étrange : La commission des liqueurs. L’informe avait vraiment trop d’énergie à dépenser. Il travaillait comme surveillant dans un parc de l’ouest. Le parc était situé derrière une Église. En haut d’une falaise. De là il pouvait voir la rivière, la vallée. Le panorama était exquis, mais le parc était vide. De temps en temps une femme étrange venait lui parler de sa vie, de ses problèmes. Il y avait aussi Un retraité qui venait le voir pour discuter de tout et de rien. Une fois des jeunes étaient venus fumer du pot dans le parc.
Le reste du temps il tondait du gazon ou vidait des poubelles. Il s’occupait du terrain de tennis et tout du long l’énergie s’accumulait. La piste de danse à la commission des liqueurs était peinte en rose. Des filles jasaient à coté. Personne ne dansait Il y avait des pôles au milieu de la piste de danse. C’était louche, mais amusant. Alors l’informe se déchaîna: Roulades, coups de pieds, pirouettes, queer as fuck? Maybe, il avait beau faire, les filles ne bronchaient pas. Alors il se déplaça vers l’espace-bar et dansa jusqu’à la fermeture.
De temps en temps des filles qu’il ne connaissait pas se joignaient à lui, brièvement. Elle étaient à la fois fascinées et terrifiées. Lui-même ne se comprenait pas réellement dans son élan. Une partie de lui ne voulait pas être vue et l’autre voulait juste bouger et connecter, irréconcilié.
C’était pareil dans la vie.
Qui était-il au juste?
Il avait écrit quelques poèmes dans son cours de Cégep. Le cégep, quel lieu affiné de décollages, de déconnades et de perdition. Il avait dessiné avec des fruits-loops sur son bureau dans ses cours d’économie. Il se foutait éperdument de ses études, comme un décrocheur sans lendemain. Il se présentait partout avec de la gueule, une idiotie, une innocence game. Il se lançait partout avec Rage Against the Machine comme hymne viscéral.
Ce que l’informe ne savait pas, c’est que dans son cours il avait le premier pas sur la voie. La vie lui avait offert un cadeau. ; une énergie capable de briser les barrières du parc. À la fin de son contrat avec la ville il embaraqua dans un avion : direction Amérique latine.
Il se jura de devenir poète-étudiant.